Une naissance ou l’acharnement d’une poignée d’hommes !

La naissance du Club Africain, le 4 octobre 1920, ne s’est pas faite d’un claquement de doigts. Ce fût une épreuve difficile et douloureuse, ce fût l’aboutissement d’un long processus semé d’embûches alors que la Tunisie était encore un Protectorat français.

Dans leur lutte quotidienne en faveur d’une indépendance, des jeunes ont voulu exprimer leur engagement patriotique à travers une association. Cette association deviendra plus-tard le Club Africain.

Mais pour saisir le véritable sens de ce processus de création, il faut, bien entendu, se remettre dans le contexte de l’époque. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le monde a changé et les peuples colonisés commencent, bien que timidement, à revendiquer certaines libertés. La Tunisie n’échappe pas cette mutation du monde et les Tunisiens y voient une manière d’exprimer des revendications longtemps refoulées.

Alors que les Français, les Italiens, les Maltais et les Juifs de Tunisie avaient la liberté de créer leurs associations sportives, les Tunisiens musulmans étaient frappés par une interdiction de pouvoir disposer d’un club.

Dès 1917, les jeunes notamment, éprouvaient de plus en plus le besoin de fonder leurs propres espaces associatifs afin de véhiculer leurs idées, et leurs convictions. C’est ainsi que ces jeunes tunisiens ont nourris de nouvelles ambitions, celles de pouvoir créer leurs propres associations sportives, musicales, théâtrales, etc.

Le Stade Africain et le Stade Tunisois, les origines

Une nouvelle ère se présentait face à ces jeunes avides de liberté. Mais ils déchanteront lorsqu’ils réaliseront que les associations créées devaient obéir à des règles strictes et avoir un statut régulé par les Français. Des associations furent néanmoins créées. Le Stade Africain et le Stade Tunisois, pour ne citer que ces deux exemples sont indirectement à l’origine de la création du Club Africain.

En 1918, le Stade Africain qui regroupait alors de nombreux joueurs tunisiens, de Français et d’Italiens et le Stade Tunisois, composé essentiellement de Juifs, s’opposent. Le match est houleux et les joueurs des deux équipes en viennent aux mains.

L’affrontement tourne vite à l’émeute et face à la gravité des incidents, la Ligue Tunisienne de Football décide de dissoudre les deux clubs. Et malgré de nombreuses démarches, ces deux associations sportives ne reprendront plus leurs activités.

A cette même époque, des jeunes issus de Montfleury, du Lycée Alaoui, du Collège Sadiki et de la Mosquée Zitouna, férus de football et habités par un nationalisme aiguisé, décident de créer leur propre association. La convergence de toutes ces volontés donnera naissance au Club Africain ou du moins à un embryon déjà doté d’une identité et d’une conscience nationaliste.

Pères fondateurs

Plusieurs obstacles se sont dressés face aux pères fondateurs, mais leur conviction est restée intacte jusqu’au 4 octobre 1920. Mohamed Soudani, joueur du Stade Africain fera partie de ces pères fondateurs.

Il devient vite la principale cheville ouvrière dans le processus de création. A ce titre, de nombreux fondateurs estimaient que le Club Africain qui allait naître ne sera en fait que le prolongement du Stade Africain, association fondée en 1915 et dissoute en 1918.

Les ressemblances entre les deux associations sont intimes puisque le Club Africain conservera les mêmes couleurs que le Stade Africain, quasiment le même nom et des joueurs dont Mohamed Soudani.

Il fût d’ailleurs le premier président de la première assemblée générale, celle qui statuera sur la création du Club Africain. L’histoire retient que cette réunion constitutive a été tenue dans un café à Bab Jedid et que le premier siège social du club fut le « Makhzen Essouf » situé à la place d’El Morkadh.

Sous la direction de Mohamed Soudani et Jameleddine Bousnina, une structure va être mise en place. Les fondateurs du Club Africain sont Mohamed Soudani, Jameleddine Bousnina, Bechir Ben Mustapha, Mahmoud Mallouche, Chedly Louerghi, Abdelmajid Chahed, Hassen Nouisri, Mohamed Badr, Mohamed Abdelaziz Agrebi, Abderrazek Karabaka, Manoubi Haouari, Fraj Abdelwahed, Mohamed Ayad, Ahmed Dhahak, Mohamed Ezzeddine, Arbi Negli, Ahmed Zeglaoui, Ahmed Mestaoui, Abdelwahab Bouallegue, Mohamed Machouche, Ahmed Ben Miled, Bechir Ben Amor et Abderrahmen Kalfat.

L’agrément du 4 octobre 1920

Tout était prêt structurellement et il ne manquait que l’agrément. La Ligue Tunisienne de Football fera traîner en longueur la délivrance du visa.

Les règlements en vigueur étaient strictes et le futur Club Africain n’obéissait pas à toutes les conditions dont celle de nommer un président de nationalité française à la présidence de l’association ; celle de changer les couleurs choisies initialement, à savoir le rouge et le blanc ; et celle de renoncer à l’emblème du croissant et de l’étoile synonyme de nationalisme.

Le refus de se plier à ces exigences, jusqu’ici respectées par toutes les équipes créées, poussa la LTF à refuser de délivrer l’agrément.

En découlera une perte de temps que la LTF voulait mettre à profit en forçant les fondateurs du Club Africain à céder sur ces trois conditions et à abandonner toute idée de s’aliéner. Mais les fondateurs ont catégoriquement refusé tout compromis.

A force d’acharnement, les fondateurs du Club Africain parviendront à arriver à leurs fins et les autorités de l’époque décident finalement d’accorder au Club Africain un agrément sur les deux premiers points, la nationalité du président et les couleurs rouge et blanche.

Après avoir obtenu son visa de création, le 4 octobre 1920, le Club Africain ne cèdera nullement sur le troisième point, celui de l’emblème national. Bien des années plus-tard, vers le milieu des années 40, le Club Africain obtiendra finalement le droit d’arborer le croissant et l’étoile, symboles du drapeau tunisien, non sans avoir été rappelé à l’ordre à de nombreuses reprises.

Le premier bureau directeur

Bechir Ben Mustapha, premier président

Au lendemain de sa création, le Club Africain constitue son premier bureau directeur et le premier exclusivement tunisien à l’issue de sa première assemblée générale, tenue au 25, Rue Bab Jedid avec pour président Bechir Ben Mustapha, pour vice-président, Jameleddine Bousnina, pour secrétaire général, Chedly Louerghi, pour secrétaire adjoint, Abdelmajid Chahed et pour trésorier, Hassen Nouisri.

Annotation historique de taille, c’est Abdelmajid Chahed qui a proposé l’appellation « Club Africain ». Une proposition entérinée immédiatement par tous les fondateurs.

La première commission sportive était composée de Mahmoud Mallouche, Ahmed Zeglaoui, Fraj Abdelwahed, Ahmed Dhahak, Bechir Ben Mustapha, Ezzeddine Belhaj et Jameleddine Bousnina.

La première équipe de football était composée de Manoubi Haouari, Jameleddine Bousnina, Mohamed Machouche, Mahmoud Machouche, Hassen Kaddour, Hassen Nouisri, Ahmed Mestaoui, Mohamed Ayad, Abderrahmane Kalfat, Arbi Ben Yamina, Ahmed Zeglaoui et Ahmed Dhahak.

Le premier bureau directeur en place, les structures consolidées, le CA se lance alors dans la compétition. Il remporte son premier titre de champion lors de la saison 1946-1947. La saison suivante, il confirme en remportant son second championnat. La machine était lancée…

Partager ce contenu