En ce lundi d’automne du 4 octobre 1920, un long parcours s’achève grâce au sceau apposé par Taïeb Djallouli sur le document autorisant l’association nommée “Club Africain” à exercer. Trente et un mois se sont en effet écoulés depuis le dimanche 3 mars 1918, lorsque le match entre le Stade Africain et son homonyme Tunisois a dégénéré en émeute.
Plus que de création du CA, il conviendrait de dire que ce jour marque l’anniversaire de la reconnaissance officielle de son existence. Parce que le Club Africain ne s’est certes pas fait en un jour. Et parce qu’il fut une forme de renaissance du Stade Africain, créé en 1915 et dissous en mars 1918, à une différence de poids : un bras de fer avec l’autorité coloniale pour l’obliger à accepter pour la première fois qu’une association sportive soit dès sa création présidée par un ‘indigène’ tunisien, musulman.
Cette lutte face aux autorités du protectorat est remportée sur tous les plans : les couleurs sont identiques à celles du drapeau national ; le président est tunisien, comme pour l’association culturelle de la Khaldounia, dont les membres sont communs à cette nouvelle société sportive qui se créé ; le nom de la société, une référence directe à l’histoire multimillénaire du pays ; les néo-dirigeants vont même oser styliser l’insigne du CA sur leur premiers maillots en vue d’en faire ressembler les lettres au croissant et à l’étoile du drapeau tunisien.
Nulle compromission n’aura fait dévier de leur objectif la poignée de patriotes qui firent leur l’idée d’une association sportive et culturelle (les sections théâtrale puis musicale furent les premières créées à la suite du football, peu avant le baseball). Ces mêmes hommes vont plus tard donner naissance à la Rachidia, autre monument patrimonial.
Plus tard, ce seront le baseball, l’athlétisme et la natation, laquelle permettra d’ouvrir les rangs du Club aux sportives (après les actrices de théâtre). Des sports individuels, collectifs, cérébraux, par dizaines, et une histoire tumultueuse et jalonnée de titres.
L’existence du Club Africain l’a prouvé : aucun succès n’a pu se faire lorsqu’il s’est éloigné de ses principes fondateurs de progrès, de modernité et d’unité. Seules les dissensions internes et les tentatives par certains d’utiliser le Club plutôt que de le servir lui firent parfois mettre un genou à terre. Mais il a toujours su se relever, même chancelant, parfois grâce à une poignée d’hommes, d’autres grâce à son merveilleux public.
Notre association a traversé maintes épreuves lors de ce siècle : opposition au colonisateur, tentatives de fusion de force, défi aux autorités d’occupation lors du conflit mondial, participation à la lutte pour l’indépendance, hostilité ouverte d’une tutelle inféodée à un régime corrompu… n’ont pas empêché le CA de récolter lors de son parcours des centaines de titres, individuellement ou collectivement, et d’offrir entre autres à la Tunisie indépendante son premier titre international de club en football et sa première Coupe d’Afrique des Clubs Champions.
En tout bien trop d’émotions et de sentiments pour qu’un texte puisse en restituer l’essence. Si les titres rédigent un palmarès, les émotions forgent une légende.
Celle du Club Africain est faite d’innombrables moments et figures historiques. Trop pour tous les énumérer ici sans risquer une omission. Contentons-nous donc de rappeler la formule de Si Azzouz Lasram, lequel disait qu’au Club Africain “nous éduquons d’abord des hommes, qui formeront ensuite des athlètes”.